Accompagnement de l'être dans les maladies neuro-dégénératives
Je l’appellerai Monsieur Paul. Cet homme vit avec la maladie de Parkinson. Un médecin a choisi de me le confier tous les quinze jours, dans l’espoir d’apaiser son angoisse et ses souffrances.
M. Paul réside en EHPAD et tente, tant bien que mal, d’assumer les gestes du quotidien. Lorsque les crispations et les raideurs s’installent, il doit livrer un véritable combat « contre son corps » — ou plutôt contre ce que son corps est devenu depuis l’apparition de la maladie.
Avant même que je ne commence à l’accompagner, il menait une guerre intérieure qui l’avait profondément épuisé. Je découvre alors un homme presque hagard, découragé, comme vidé de toute énergie. La maladie, souvent accompagnée d’un syndrome dépressif, avait altéré sa relation avec son corps et, par extension, avec lui-même.
Dès notre première rencontre, il m’explique avoir donné un nom à une partie de lui-même, comme à un mauvais génie qui ne cesse de le réprimander, le poussant sans cesse, selon ses mots, à coups de pieds. Une stratégie de survie proche de la dissociation, créée sans doute pour supporter un quotidien devenu trop lourd.
Je rencontre donc un homme enfermé dans un espace de lutte et de contraintes, d’autant plus douloureux qu’il avait été, avant la maladie, très actif, productif, même sportif. Il se juge, se rejette, et refuse catégoriquement ce nouvel état. « Je veux redevenir comme avant », me répète-t-il souvent.
Je lui propose alors, dès la première séance, de changer de regard. De cesser de combattre ce corps abîmé, pour l’apprivoiser autrement. De renouer avec ce corps qui, malgré ses limites, demeure le sien, le support de son expérience de vie. Je l’invite à se réconcilier avec lui.
Pour l’y aider, nous explorons plusieurs pratiques :
Les réflexes archaïques en début de séance, pour réactiver son schéma corporel et réinvestir ses appuis.
La sophrologie, avec ses techniques de respiration, de relaxation et de visualisation, afin de relâcher les tensions et amener calme, énergie et positivité.
La parole vibratoire, pour transformer ses mots et, peu à peu, sa réalité intérieure : adopter un vocabulaire plus doux, plus inclusif, qui ouvre à l’acceptation (car rien ne peut évoluer sans un minimum d’accueil de ce qui est).
La PNL (Programmation Neuro-Linguistique), pour rééduquer ses circuits mentaux, ancrer des ressources et élargir ses possibles au lieu de se sentir enfermé dans ses limites.
Peu à peu, M. Paul apprend à coopérer avec son nouveau corps, plutôt que de lutter contre lui. Il décide même de renvoyer ce mauvais génie qui l’accablait, pour laisser place à une voix plus bienveillante. « Mon corps est mon meilleur ami » est devenu l’un de nos leitmotivs. Et les effets sont tangibles : il reprend du poids, retrouve une énergie nouvelle.
La maladie est toujours là, mais elle ne le définit plus. Il marche désormais avec elle. Certains jours sont plus fluides, d’autres plus escarpés, mais le chemin est différent : il est habité par un autre regard.
Je me souviens de ce matin encore récent. Avant la séance, il était allongé, raide, le regard perdu et triste. Après une sophro-mnésie positive (revivre en relaxation profonde des souvenirs lumineux), il s’est redressé presque d’un seul mouvement, sans l’aide de sa potence de lit, les yeux brillants, prêt à entrer dans sa journée avec un élan nouveau. Le contraste était saisissant.
Quand il m’a remerciée avec ce regard retrouvé, j’ai ressenti toute la force d’un lien réparé : le lien avec soi-même, qui ouvre aussi le lien à l’autre. Un lien nourri d’amour et de tendresse, capable d’apaiser, de soigner, de transformer.
L’accompagnement se poursuit encore aujourd’hui, et je tiens à saluer ces médecins qui osent ouvrir la porte à d’autres pratiques, pour compléter les traitements allopathiques. Car il y a le soin du corps, et il y a aussi le soin de l’être dans toutes ses dimensions. Une complémentarité précieuse, qui mérite toute notre attention.
© Géraldine AMELIN